
Juliette, Belgium
Si je devais condenser cet ouragan intérieur en trois mots, ceux qui surgissent avec le plus d’intensité sont : Vertige, Épuisement et Re-bondissement
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Vertige:
Quand le mot cancer tombe,
il coupe tout : la parole, le souffle, l’élan.
C’est une claque invisible.
Un tremblement de terre intérieur, sans alarme, sans mode d’emploi, sans préavis.
D’un coup par un seul mot, tout ce que tu étais avant : autonome, active, indépendante,...
s’effondre comme un château de cartes soufflé par un vent brutal.
Tu passes sans transition
du statut d’indépendante à celui de dépendante.
Dépendante des soins, des médecins, des rendez-vous.Dépendante de traitements dont tu ne comprends pas toutes les logiques,
de protocoles écrits par d’autres, pour ce corps qui n'est plus le tien.
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Épuisement:
Ce n’est pas juste la maladie ou les traitements qui te mènent à l'épuisement
C’est tout ce qui englobe
Le corps déjà fatigué, vidé, déconnecté pendant
Puis vient l’après… souvent encore plus violent que le traitement...
Un épuisement total — physique, mental, émotionnel.
Comme un sommeil de plomb dont on ne se réveillera fort probablement vraiment jamais...
Ton corps te lâche, te blesse, te freine.
Les douleurs chroniques ne te quittent plus...
Tu oscilles entre rebondissements et chutes,
entre élans d’espoir et coups d’arrêt.
Et puis tu te retrouves devant d'autres murs : celui des inégalités, des discriminations, de la précarité,
Les aides ne sont pas pour tout le monde.
Tu dois prouver, justifier, rentrer dans des cases.
L’accès à certaines aides peuvent être discriminants, voir parfois humiliants.
L’argent s’évapore sous les factures médicales,
comme si chaque soin te coûtait un peu plus de ta vie.
Tu vois les économies d'avant cancer fondre, sans filet, sans sécurité.
Et quand on te dit : « Il faut reprendre une activité après »,
c’est comme si on lançait une aveugle sur l’autoroute, sans lui apprendre le langage des panneaux, sans canne, sans repères.
Tu avances à tâtons, à reculons, dans un système qui ne te reconnaît plus, qui te pousse à reprendre , comme avant, à reprendre les choses là où le cancer te l'avais fait posé, alors que tu ne sais même plus où tu t’étais avant.
Certain·es s’éloignent. D’autres ne comprennent pas. Et toi, tu cherches tout simplement le chemin qui te ramenera vers te reconstruction.
Tu te retrouves seule, sans mode d’emploi, sans guidance, souvent sans soutien.
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Rebondissement:
On ne rebondit pas après un seul saut dans l'après
Le Re-bondissement se fait de manière d'un mouvement lent, haché, incertain aux premières tentatives..
Comme un·e athlète au saut en hauteur, il faut de l’élan, des tentatives, parfois ratées, souvent douloureuses.
J’ai cru qu’il suffisait de reprendre ma vie "comme avant". ça m'a pris du temps pour comprendre que je n’étais plus la même comme avant.
Et je ne le serai fort probablement plus.
Alors j’ai tentée de re-marché d'abord avant de prendre l'élan nécessaire pour faire le grand saut, Je suis tombée à plusieurs,
Je me suis relevée. Encore. Et encore.
Aujourd'hui je motorise finalement à rebondir autrement, re-créer, re-entreprendre,
Avec mes nouvelles limites, mes forces, failles, cicatrices.
Chaque pas est un acte de vie,
chaque chute, une leçon,
chaque rebondissement, un acte de résistance.
Je ne suis pas redevenue la "Juliette d' avant".
Je suis là nouvelle Juliette d'aujourd'hui, différente. Mais debout, malgré les nombreuses Re-bondissements
Avec le temps, certains effets secondaires (physique , émotionnel, personnel,... ) s’estompent, d’autres deviennent plus supportables,
mais ils ne disparaissent jamais vraiment.
Ils se ré-invitent parfois de nouveau dans nos vies, sans prévenir comme un rappel silencieux de ce que son corps physique et mentale ont traversées.